Sāṃkhya
सांख्य
"une des six écoles philosophiques orthodoxes indienne"
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En résumé:
Le Sāṃkhya est l’une des six grandes philosophies de l’Inde ancienne, visant à comprendre la nature du monde et la libération de la souffrance. Il repose sur la distinction entre Puruṣa (la conscience pure) et Prakṛti (la matière primordiale), dont l’interaction engendre la manifestation du monde. Cette philosophie décrit 23 principes (tattva), dont l’intellect, l’ego et les cinq éléments, qui façonnent notre expérience de la réalité. Fondé sur une analyse rationnelle, le Sāṃkhya explique également le karma, la transmigration et la voie vers la libération. Il influence profondément le Yoga de Patañjali, qui en est l’aspect pratique, et propose une approche unique de l’existence basée sur la connaissance et la détachement.
Le Sāṃkhya est une des plus anciennes philosophies de l’Inde, visant à comprendre la réalité et à atteindre la libération du cycle des renaissances (saṃsāra). Il repose sur la distinction entre Puruṣa (la conscience pure et immuable) et Prakṛti (la matière primordiale en perpétuelle transformation), dont l’interaction engendre le monde phénoménal. Cette philosophie décrit 25 principes (tattva) structurant l’univers, incluant l’intellect (buddhi), l’ego (ahaṃkāra), l’esprit (manas) et les cinq éléments. Elle met en lumière le rôle des trois guṇa (sattva, rajas, tamas), forces qui influencent notre perception et nos actions. Fondement théorique du Yoga de Patañjali, le Sāṃkhya offre une voie vers la libération en transcendant l’illusion de l’ego par la connaissance et le détachement.
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Sāṃkhya
(en devanāgarī: सांख्य ) terme sanskrit, est connu aujourd'hui comme une école de la philosophie indienne orthodoxe (āstika)
ou plus particulièrement comme un des six darśana. Il a été codifié
dans la Sāṃkhyakārikā composée au IVe siècle ou Ve siècle de l'ère
courante par Īśvarakṛṣṇa. Le Sāṃkhya est traditionnellement couplé au
yoga de Patañjali systématisé dans les Yogasūtra, qui en sont l'aspect
considéré comme pratique. Kapila, dont on sait peu de choses, est donné
comme le fondateur du « système Sāṃkhya ».
Le
Sāṃkhya se propose d'analyser rationnellement la réalité. De cette
compréhension surgit la libération du cycle des renaissances (Saṃsāra),
qui est souffrance (duḥkha).
Cette analyse de la réalité (c'est-à-dire non seulement le monde
matériel, mais également son devenir) établit que de la rencontre,
l'union entre le non-manifesté, unique, le pradhāna ou mūlaprakṛti, la
nature originelle ou matière primordiale et l'une des monades
conscientes, le puruṣa (littéralement : « homme, mâle, personne
»)se déploie le monde phénoménal, la prakṛti, en 23 autres principes
(tattva) commençant par l'intellect (buddhi, littéralement : « l'éveil » aussi appelé mahat,
le grand, parce qu'il a une dimension « cosmique »), d'où provient le
principe d'individuation ou égo (ahaṃkāra, littéralement : faiseur de
moi), duquel provient une double création : la pensée (manas) les cinq facultés d'éveil (buddhīndriya ou jñānendriya), c'est-à-dire
les cinq sens, et les cinq facultés d'action (karmendriya),
c'est-à-dire la parole, les mains, les pieds, l'anus et les organes
génitaux ; d'autre part les cinq éléments subtils (tanmātra)
qui ne sont pas spécifiques, c'est-à-dire perceptibles comme objets des
sens, sauf pour les dieux et les yogis. Les cinq éléments subtils
créent enfin les cinq éléments grossiers (mahābhūta), lesquels sont spécifiques, c'est-à-dire perceptibles comme objets des sens.
Parmi ces principes, l'éveil (buddhi), le 'faiseur de moi' (ahaṃkāra) - principe d'individuation et de prétention - et la pensée (manas) constituent 'l'organe interne' antaḥkaraṇa,
qu'on pourrait qualifier d'appareil psychique. Les principes allant de
l'éveil aux éléments subtils forment l'entité subtile qui transmigre de
mort en naissance, une âme en quelque sorte, qui serait toutefois
distincte de la monade consciente, du véritable sujet, qui ne peut
jamais être objet. Cette entité est appelée « corps subtil » (sūkṣmaśarīra) ou 'phallus' (liṅga),
mot par lequel on désigne en logique un signe caractéristique duquel on
infère le porteur du signe, le 'signifié' (ainsi la fumée est le signe
de la présence du feu). L'éveil est également appelé 'le grand' (mahat) parce que certaines écoles Sāṃkhya le considèrent comme commun aux puruṣa. Si ce n'est pas le cas, il est tout au moins antérieur au principe d'individuation, 'le faiseur de moi' (ahaṃkāra), et il est en ceci cosmique qu'il détermine la 'création idéelle' (pratyayasarga),
qui le positionne dans la création (voir plus bas dans « L'éthique du
Sāṃkhya »). C'est à la fois la force et la faiblesse du Sāṃkhya que de
présenter la création tant sur un plan psychologique que cosmologique.
Il s'agit in fine d'expliquer aussi bien comment le monde, tant
intérieur qu'extérieur se produit à la conscience, que comment le Karma
(la loi de rétributions des actes lors des renaissances) s'organise,
permet l'expérience (la jouissance, bhoga) aussi bien que la délivrance.
Un
autre point particulier au Sāṃkhya, est que la prakṛti est constituée de
trois guṇa, trois fibres ou qualités appelées sattva, rajas et tamas,
dont est tissé le monde. Celui-ci n'est pas simplement noir (tamas) ou
blanc (sattva), il est aussi rouge, mouvant (rajas). Il n'est pas
seulement agréable (sattva) ou désagréable (rajas), il est aussi déprimant (tamas), bien (sattva), mal (tamas) ou passionné (rajas)
Contrairement
aux cinq autres darśana, le Sāṃkhya classique ne repose pas sur un
sūtra, mais sur une kārikā, la Sāṃkhyakārikā.
Comme les sūtras, les kārikās sont des textes très laconiques (toute
répétition, chaque mot inutile sont considérés comme une faute) et
mnémotechniques, quasiment incompréhensibles sans les commentaires qui
les accompagnent. Les kārikās, versifiées, sont toutefois plus
littéraires et moins cryptiques. Au XVe siècle un Sāṃkhyasūtra sera
écrit, visant à « védantiser » le Sāṃkhya, védantisation qui s'était
déjà amorcée au Xe siècle avec le commentaire : Sāṃkhyatattvakaumudī de
Vācaspati Miśra.
Le sāṃkhya classique systématique et canonisé n'est naturellement
pas apparu soudain. Il s'est formé d'idées éparses, d'un mode de pensée
et d'une recherche de la vérité qui l'a d'abord emmené sur des chemins
théistes, décrits ci-dessous, pour développer une philosophie à
l'épistémologie et la logique solide avant d'être assimilé de nouveau
par diverses religions et philosophie, perdant par là même son
autonomie.
Le Sāṃkhya visant à la libération complète du cycle des renaissances (saṃsāra),
l'éthique n'est pas sa vocation première Celle-ci fournit toutefois les
conditions préalables à une vie et un esprit emplis de sattva, c'est-à-dire lumineux, sans taches (tamas), ni passion (rajas).
L'éthique Sāṃkhya subordonne les devoirs religieux/sociaux à
l'intelligence et la recherche de la libération, ce qui lui permet de
faire avancer la morale, en s'émancipant de la tradition et renonçant
par exemple à la violence du sacrifice animal . Le devenir moral
de l'individu est décrit dans les kārikās et considéré comme une
création de l'intellect (buddhi, ou « grand » mahat), La création
idéelle (pratyayasarga).
Cette 'création idéelle' l'oriente selon huit pôles : « s'il est
'vertueux', c'est-à-dire s'il accomplit ses devoirs (dharma,
religieux/sociaux. Ceux-ci ne sont pas généraux mais dépendent de la
caste, etc.), il monte (dans la hiérarchie des êtres) ou il descend
s'il n'est pas vertueux. S'il est doué de 'souveraineté',
c'est-à-dire de pouvoirs (force dans la sphère animale, pouvoir dans la
sphère humaine et pouvoirs magiques dans la sphère céleste), il ne
rencontre pas d'obstacle, ou le contraire s'il n'en a pas. S'il
est 'passionné', il meurt et renaît sans cesse, à moins qu'il ne soit détaché, auquel cas il se dissout dans la prakṛti (ce que
font les "yogis" mais qui ne constitue pas la libération selon le
Sāṃkhya). Enfin, il s'enchaîne s'il ne possède pas la connaissance
ou il se libère s'il possède le savoir. (Ce savoir est
essentiellement, bien entendu, la connaissance pratique de la
philosophie Sāṃkhya, qui doit aboutir à ce que le puruṣa comprenne qu'il
n'est pas la personne qu'il croit être, qu'il est pure conscience, et
cesse de s'identifier à son appareil psychique). »